"Les victoires sont nécessaires
aux gouvernements, les défaites aux peuples. Après
la victoire, on veut d'autres victoires encore ; après
une défaite, on veut la liberté, et généralement
on l'obtient. Les défaites sont nécessaires aux
peuples comme les souffrances et les malheurs à l'individu
; ils vous obligent à approfondir votre vie intérieure,
à vous élever spirituellement." |
Avec ses yeux rusés
et son sourire formidable, sa stature de géant et sa pugnacité,
Soljénitsyne (1918-2008) a surgi des profondeurs de l’U.R.S.S.
pour apporter au monde une grande bouffée d’air pur.
Ce fils de la révolution était un communiste romantique
avant d’expérimenter dans sa chair l’arrestation
arbitraire et la dure réalité des camps (1945-1953).
C’est là qu’il conquiert sa liberté intérieure,
ouvrant les yeux sur l’envers du système. En 1962,
il publie Une journée d’Ivan Denissovitch
mais se voit bientôt contraint de poursuivre son travail
de façon clandestine. Livre après livre, l’écrivain
génial déploie une écriture novatrice et
une critique de plus en plus radicale du régime, jusqu’à
L’Archipel du Goulag en 1973. Sûr de sa mission,
il sait que la force du verbe peut ébranler des empires
et réveiller des consciences endormies. L’art ne
ment pas. Par-delà les mots, il dévoile des réalités
spirituelles, la dignité de l’homme et la primauté
de Dieu. Au terme d’un éprouvant duel avec les autorités
soviétiques, Alexandre Issaïevitch est expulsé
en 1974. Il s’exile en Suisse puis aux États-Unis
où il se consacre à la rédaction de La
Roue rouge qui sonde les origines du drame russe. Très
critique envers l’Occident qu’il juge lâche et
matérialiste, Soljénitsyne n’a pas peur de
porter une parole de contradiction, sans compromission avec la
vérité. Une œuvre savoureuse, subtile et stimulante
qui jaillit des entrailles mêmes de la vie. |