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Joseph Lemarchand voit le jour
dans une famille de métayers en Bretagne. Son père
meurt au front en 1916, il sera durablement affecté par
son absence. Il entre au petit séminaire dans le climat
d'un pensionnat qui lui pèse, tout en lui permettant de
se réfugier dans les livres. Il y sera condisciple, un
moment, de Henri Le Saux qui deviendra, de moine à Kergonan,
ermite dans les montagnes sacrées de l'Inde ; il le retrouvera
plus tard, en Inde, et ce sera l'occasion d'une « naissance
» intérieure. Appliqué et volontaire, Joseph
poursuit une scolarité brillante et humaniste. Après
quelque temps, il entre, en 1932, au grand Séminaire de
Rennes où il se coule dans la formation proposée,
tout en en percevant les limites « On peut exceller en
théologie, en vie spirituelle, en piété
même, avec un cur parfaitement sec. » Ordonné
prêtre en 1938, il est nommé professeur de français
dans un collège de Rennes, puis aumônier fédéral
des mouvements d'Action Catholique, tout en s'intéressant
aussi au cinéma. Il commence discrètement à
publier quelques romans et bientôt des essais. Sa préoccupation
unique, semble-t-il, est de trouver un langage nouveau pour atteindre
le contemporain, lui faire comprendre par un autre biais les
mots de la foi. D'emblée, il provoque des réactions
outrées de collègues ou de fidèles, désarçonnés
par le ton parfois provocateur. Sulivan est un homme de fidélité
et de ruptures. Sa vie connait quelques-uns des changements radicaux
qui sont autant d'occasions d'une nouvelle naissance. La familiarité
des mystiques le conduit sur les chemins des renversements ;
le thème de la mutation, de la sortie et plus encore de
la naissance reviennent sous sa plume. Il naît sans doute
en Bretagne mais aussi dans la lumière de l'Italie où
il voyage sur les traces de Nietzsche ou encore en Inde sur les
pas d'Henri Le Saux. En fait, les voyages entrepris sont des
voyages intérieurs. Même si le travail d'écriture
le fixe durablement à son bureau, Sulivan aime non seulement
les marches solitaires en montagne mais aussi les voyages, les
explorations. En 1967, à cinquante-quatre ans, il obtient
de partir « en littérature » à Paris,
et peut se lancer dans une carrière littéraire
qui lui fera produire une trentaine d'ouvrages. Une correspondance
s'installe avec de nombreux lecteurs, « mes lecteurs, ma
paroisse » aimait-il à dire, et ses livres sont
parfois un dialogue prolongé avec des lecteurs anonymes.
Matinales en particulier est salué et apprécié.
Il y fait un retour appuyé à l'Évangile,
suite à la rencontre de Marcel Jousse, dont il publie
Anthropologie du Geste. Alternent temps de rencontres
et d'amitié, et temps de solitude à la table d'écrivain.
Matinales, ample et serein sera suivi de La traversée
des illusions ; c'est l'expression de son Itinéraire spirituel.
C'est comme si son uvre de romancier lui avait permis d'atteindre
une vérité sur lui-même et un chemin pour
l'Église de ce temps qu'il pouvait livrer largement. D'une
certaine manière, sa prière d'homme y est entièrement
contenue. Il meurt d'un accident de la circulation. |
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