"Il y a une morale chrétienne,
il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît
des droits. Ces devoirs et ces droits tiennent à la nature
de l'homme. Ils viennent de Dieu. On ne peut les violer. Il n'est
au pouvoir d'aucun mortel de les supprimer. Que des enfants,
des femmes, des hommes, des pères et des mères
soient traités comme un vil troupeau, que les membres
d'une même fammile soient séparés les uns
des autres et embarqués pour une destination inconnue,
il était réservé à notre temps de
voir ce triste spectacle. Pourquoi le droit d'asile dans nos
églises n'existe plus? Pourquoi sommes nous des vaincus?
Seigneur, ayez pitié de nous. Notre Dame, priez pour la
France...Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes.
Tout n'est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces
femmes, contre ces pères et ces mères de famille.
Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme
tant d'autres. Un chrétien ne peut l'oublier." |
D'origine paysanne,
Jules Géraud Saliège est né dans le Cantal.
Ordonné prêtre en 1895, il devient professeur au
Petit Séminaire de Pleaux. En 1905 il est nommé
professeur puis supérieur du Grand Séminaire de
Saint-Flour. Mobilisé en août 1914 il est infirmier
et aumônier militaire. En 1925 il est nommé évêque
de Gap, puis devient archevêque de Toulouse en 1928. Victime
d'un accident vasculaire cérébral en 1932, Jules
Saliège est atteint par une paralysie progressive du bulbe
rachidien qui le handicape fortement à l'oral. Pourtant
c'est ce prélat handicapé qui sera le premier et
le rare représentant officiel de l'Eglise catholique de
France à dire publiquement "non" à l'occupant
nazi. Dès le 12 avril 1933, alors qu'Hitler est devenu
chancelier d'Allemagne en janvier de la même année,
il condamne l'antisémitisme en prenant la parole dans
une réunion au Théâtre du Capitole pour la
défense des juifs menacés par la montée
du nazisme. La région de Toulouse est un centre important
des réfugiés lors de la débâcle. L'église
contribue à l'effort de réception des civils. Dès
mars 1941, Mgr Jules Saliège agit pour aider matériellement
les détenus (majoritairement étrangers) des camps
de Noé et du Récébédou. Il dénoncera
les déportations de Juifs, le STO ou les exactions nazies.
Le 23 août 1942, il ordonne la lecture dans toutes les
paroisses de son diocèse d'une lettre pastorale dénonçant
clairement les exactions contre les juifs. Malgré l'interdiction
de Pierre Laval, la lecture de cette lettre continue d'être
faite dans d'autres paroisses de France, puis diffusée
par le Vatican et jusque sur les ondes de la B.B.C. Mobilisant
diverses congrégations et réseaux, l'aide apportée
s'amplifie, dans le diocèse de Toulouse comme en bien
d'autres endroits : filières d'évasion, passages
en Espagne par des circuits pyrénéens, documents
d'identité, cartes de textile, faux certificats de baptême,
camouflage des jeunes dans les écoles catholiques et les
couvents. Il est arrêté par la Gestapo le 9 juin
1944, et ne doit son salut qu'à son état de santé
et à son âge, ainsi qu'à la protestation
vigoureuse de la religieuse qui se trouvait auprès de
lui. L'officier allemand chargé de son arrestation se
retira en bafouillant qu'il allait demander de nouvelles instructions,
et ne revint jamais. À la Libération, son autorité
morale et son action lui valent la reconnaissance du général
de Gaulle, qui le fait compagnon de la Libération. L'archevêque
profite de son statut pour s'élever contre les injustices
et les violences commises à la fin de la guerre par les
partisans. Mgr Saliège meurt le 4 novembre 1956 et a été
inhumé dans la cathédrale Saint-Étienne
à Toulouse. |